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Hygiène : l’accès à des toilettes décentes, encore un problème en Afrique



La Journée mondiale des toilettes célébrée tous les 19 novembre rappelle, une fois de plus, la nécessité pour les États de repenser leur politique d’hygiène et d’assainissement. Sujet considéré encore comme tabou, l’accès aux toilettes moderne reste particulièrement préoccupant en Afrique subsaharienne et le Congo n’échappe sans doute pas à ce collimateur fâcheux.

À quoi ressemblent vos latrines ? Une question que de nombreuses familles en Afrique répondront difficilement au regard de ce qu’elles vivent au quotidien dans l’indignité et surtout devant l’absence de solutions efficaces. Se rendre aux toilettes et tirer la chasse d’eau est un geste naturel, une évidence. Mais 2,5 milliards de personnes sont privées de toilettes dans le monde. À défaut de mieux, l’on trouve dans plusieurs pays en développement des toilettes fabriqués d’enclos avec un trou sans eau et sans actes élémentaires d’hygiène. Environ 1 milliard de personnes défèquent encore en plein air, dans les champs, dans les buissons, dans les cours d’eau, selon les Nations unies. L’objectif de réduire de moitié la proportion de la population mondiale, qui n’a pas accès à des toilettes décentes d’ici à 2015, serait bien loin d’être atteint si aucune action urgente n’est lancée. Pourtant la réalité est là, mais la question reste un sujet tabou et les politiques n’en font pas une priorité. Une situation préoccupante au Congo Si six habitants sur dix n’ont pas accès à des toilettes décentes en Afrique subsaharienne, le Congo ne serait pas loin de ce tableau. Il semble que la configuration des toilettes dans les quartiers populaires n’a pas beaucoup changé depuis les indépendances. De Makélékélé à Bacongo, en passant par Moungali, Poto-poto jusqu’à Ouenzé et Talangaï, la plupart des toilettes sont encore de petits endroits entourés de tôles ou des enclos en brique avec une fosse parfois bordée de ciment ou disposant simplement d’une marche en bois, sans chasse d’eau ni dispositifs d’hygiène. Les mouches pullulent sur les excréments, introduisant des maladies diarrhéiques parfois mortelles. Ces images, beaucoup de Congolais les connaissent. Ils sont nombreux à vivre la course aux latrines dans des parcelles à plusieurs familles : un seul et modeste cabinet parfois pour vingt-cinq personnes. On n’est pas surpris d’apprendre que certains défèquent dans des récipients dans les maisons pour déverser le contenu tard dans la nuit dans les toilettes ou dans les canalisations, surtout pendant les pluies. « Puisqu’ils ne sont pas stockés dans un endroit clos, ni évacués loin des lieux d’habitation pour être traités, les excréments, qui sont des réservoirs à microbes, se disséminent dans l’environnement. Les microbes se propagent partout : pollution des cours d’eau, infiltration dans les sols, propagation par les mouches et par les personnes », constate la campagne Parlons Toilettes, décrétée par l’ONG française Coalition Eau à l’ occasion de la Journée mondiale des toilettes. La politique d’hygiène du pays n’a, semble-t-il, pas prévu de modèle de latrines dans les habitations au regard de l’anarchie dans laquelle vivent la plupart des Congolais. Existe-t-il des mesures de soutien à l’assainissement pour les familles pauvres ? Les quelques habitations modernes où les conditions d’hygiènes sont réunies ne peuvent pas justifier la situation de certains quartiers. Il suffit de jeter un regard critique et profond dans les méandres des logements pour comprendre le risque que courent des familles entières en s’exposant à des maladies graves. Et l’économie en pâtit… Plaidoyer pour les toilettes publiques L’envie d’aller aux toilettes ne choisit pas d’endroit et d’heure. C’est d’ailleurs à ce niveau que la question est vue comme une problématique de droit de l’homme. Les grandes villes du Congo ne comptent pas de latrines modernes. Les citoyens en difficulté sont contraints de s’abandonner à l’air libre, en urinant sur les recoins des murs ou en recherchant des couloirs sombres pour déféquer lorsque la pression est à son comble. Parfois c’est au prix de la sécurité… Le programme de municipalisation accélérée des grandes villes n’a pas pensé à la construction de toilettes publiques et modernes. Voilà une taxe de plus qui échapperait aux collectivités locales dans le cadre de la gestion de ces toilettes où l’accès serait conditionné par une petite pièce de 100 FCFA, par exemple. Pourtant, des programmes d’assainissement destiné aux latrines modernes pourraient faire l’objet d’étude avec des ONG spécialisées dans le cadre des budgets alloués aux collectivités locales et aux municipalités. Lorsqu’on jette le même regard dans les marchés, c’est la désolation. Dans ceux qui attendent des programmes de rénovation, la situation est pire pour les commerçants et clients qui n’ont pas d’endroit pour se soulager lorsque le besoin se présente. Il faut solliciter les familles proches au prix de mille explications. Que dire de l’école où plusieurs n’ont pas de latrines propres ? Dans le privé la situation serait tolérable. L’école publique, quant à elle, peine a offrir aux élèves des conditions sanitaires telles que préconisées. Toilettes fermées pour absence de gestion, ou simplement bourrés, des élèves, notamment les filles, sont obligés de sécher les cours pour des raisons d’hygiène. L’absence de sanitaire peut être classée parmi les causes majeures d’absentéisme des jeunes filles, selon plusieurs études. Sauver des vies grâce aux toilettes décentes L’Organisation mondiale des toilettes, une ONG internationale, qui promeut les toilettes et la santé publique, estime que chaque année plus d’un million et demi d’enfants et de bébés de moins de 5 ans meurent à cause de diarrhées et d’autres maladies venant de mauvaises conditions d'hygiène, à commencer par les sanitaires. L’OMS souligne que la vie de 200 000 enfants pourrait être sauvée chaque année en fournissant des toilettes modernes et salubres. Pour plusieurs pays en développement et le Congo, c’est l’occasion de poser le problème du système d’assainissement qui manque cruellement : gestion, évacuation et traitement des rejets domestiques, comme les déchets ou les eaux usées. Est-ce un luxe de posséder des toilettes modernes ? Non a priori. Car l’assainissement est non seulement le moyen le plus efficace pour lutter contre les maladies diarrhéiques, mais il permet aussi des économies d’échelle. Une étude montre que 500 FCFA investis dans les toilettes, c’est au moins 2 500 FCFA d’économie de santé pour un foyer, moins d’achats de médicaments, plus de présence à l’école et au travail. Parlons-en !

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo :

Les enfants dans les toilettes d'une école

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